Le terme Noir, dans le domaine postcolonial français semble à vrai dire, repris par analogie au terme « Black » états-uniens. Mais, il ne revêt pas la même forme, du fait de l’histoire particulière de la France, et des contextes politiques et historiques dissemblables. En vérité, les différentes luttes des années soixante pour recouvrer les droits civiques noirs aux Etats-Unis, distinctes de celles menées en France, structurent différemment le domaine postcolonial français. Car, la reprise du terme « Black » par les Africains Américains, est consolidée par leurs luttes sociales des années soixante et la création de départements universitaires. Départements qui sont nommés Black Studies, avant de devenir parfois « African American Studies » à cause des controverses sur le politiquement correct. Les départements Black Studies permettent ainsi aux Africains Américains après les années soixante, non seulement de recouvrer la légitimité d’étudier les conditions de vie des personnes dites de « descendance Africaine », mais surtout de se réclamer « Black », en même temps qu’ils donnent un nouveau contour au terme, en rapport avec leur filiation africaine. Il ne s’agissait plus alors, de critiquer seulement les savoirs et sources occidentaux, mais de poser aussi son propre discours scientifique, et reconquérir l’autorité sur sa propre identité. Ces données subvertissent le sens du mot Black, utilisé jusque-là par les érudits blancs aux Etats-Unis. Puisqu’au niveau « citation », le terme Black est repris, certes à l’instant « T » où se fait sentir la violence du terme, du fait de sa spécificité racialisante et infériorisante, mais aussi, de façon omniprésente le terme investit un sens « choisi » par les Africains Américains eux-mêmes. Ce sens choisi, dont le contour à été redéfini par des Africains Américains qui se sont posés légitimement dans le cercle érudit de l’étude des identités noires, repris par un Africain Américain quelconque non érudit, permet à tout Africain-Américain d’interpeller (en même temps que le terme est repris) sur le sens insultant que le terme « Black » peut englober à l’emploi par un Blanc quel qu’il soit, du fait de lectures situées favorisées par l’esclavage.
Un Noir ne se perçoit pas seulement comme « Africain » ou « Noir », il peut aussi se percevoir ethniquement. Cette perception ethnique peut être d’autant plus forte, s’il a conservé ses liens et est resté en phase avec son ethnie locale dans un pays d’Afrique. (L’instruction de l’historienne Jeanne-Marie Kambou dans « Mémoire entre deux rives », un film Frédéric Savoye et Wollimité Sié Palenfo, sur le maintient des coutumes Lobis est intéressant à ce titre). Il montre que de nos jours, un « Africain » ne se perçoit pas seulement comme un « Africain », mais qu’il peut aussi se percevoir de manière ethnique. Les moyens de transports et de communication permettent en vérité d’effectuer des retours fréquents, voire périodiques, à ceux qui le peuvent et désirent maintenir des liens avec leur communauté ethnique en Afrique. Ceci pour dire, que la perception ethnique ne disparaît pas forcément, parce qu’une distance s’est installée entre un individu et sa communauté ethnique. C’est à cause de la perception ethnique, que le terme globalisant de Noir est un terme à évaluer dans tout ce qu’il peut comporter d’avantageux. Le terme Noir n’est pas un terme banal qui sert seulement à stigmatiser ou inférioriser et englober. Il peut aussi servir à lutter et à libérer des idées reçues autour du concept Noir, la personne qui est perçue publiquement comme Noir. Le concept peut effectivement être utile à contenir les préjugés que le terme Noir comporte. En effet, utiliser le terme Noir dans un discours scientifique par un érudit blanc majoritaire en France, est une démarche délicate et obtuse, quand peu de minorités noires ont la possibilité effective de s’en entretenir. La démarche est souvent figeante, lorsque les personnes perçues publiquement comme noirs, n’ont pas recouvré une légitimité pédagogique et institutionnelle à étudier et discourir sur une certaine Identité dite « noire » 1. Le terme Identité est en majuscule pour signifier qu’elle peut être multiple et ne se cantonne pas à un seul élément ou une seule donnée, en dehors du fait que « l’identité est contextuelle et fluctuante. Elle n’est pas figée, mais en plus elle peut être multiple. Car en France, les études sur l’identité noire ne sont pas encore menées par les Noirs, de manière significativement équivalente institutionnellement à celle d’érudits occidentaux blancs légitimités.
NB : Le terme Identité est en majuscule pour signifier qu’elle peut être multiple et ne se cantonne pas à un seul élément ou une seule donnée, en dehors du fait que « l’identité est contextuelle et fluctuante. (Warnier Jean-Pierre. 2004. La mondialisation de la culture. Paris : La Découverte. Page9
dimanche 18 mai 2008
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