On "naît noir de peau", mais on devient un Noir dans le regard d’autrui.
Judith Butler, en montrant que « le pouvoir des mots nous échappe : les mots ont un passé et un avenir qui défient tout effort pour les saisir, les figer irrémédiablement » (Butler, Judith. 2004. Le pouvoir des mots. Politique du performatif. Page 9.), me permet de suggérer un volet limitatif de la reprise-citation sensée contrer le discours violent. Son analyse du « discours de haine » ou « hate speech », va être déplacée, dans une analyse critique du discours scientifique postcolonial français, au travers de l’analyse d’un terme préalablement « discours violent ». En effet, le terme Noir, loin d’être trivial est un terme politiquement puissant, pour les personnes perçues publiquement comme Noires en France. Il peut être d’un apport inestimable, dans la lutte pour recouvrer de manière effective la légitimité de son identité propre. C’est pourquoi, ses formes de reprises actuelles ne doivent pas être sous-évaluées ou minimisées.
Les Négritudes de Léopold Sédar Senghor et d’Aimé Césaire développées au vingtième siècle, si elles semblent utiles par rapport à leur sens politiques, rendent le terme « Nègre » différent du terme « Noir », lorsque l’on désire le reprendre en tant que personne perçue publiquement comme Nègre en France. Parce que les Négritudes sont une œuvre d’investissement plénière d’un terme au départ insultant envers une identité et une culture dites nègres, pour un Noir, le terme Nègre est politiquement différent du terme Noir utilisé dans certains discours érudits français. Employé de nos jours en France dans des textes dits postcoloniaux, le terme Noir est consacré par des auteurs qui ne se définissent pas forcément comme Noirs. Ce qui me permet de signifier pourquoi il est difficile de le reprendre trivialement à son compte, en tant que personne perçue publiquement comme Noir. Assurément, comment se désigner soit-même comme Noir quand des discours d’érudits postcoloniaux non Noirs ont agencé les contours et le sens du terme ? Surtout si le message que comporte les textes perçus comme postcoloniaux, n’est pas en adéquation avec la manière de se percevoir soit-même comme Noir ? L’exercice le plus évident consiste à expliquer de suite ce que l’on entend par le terme Noir, aux personnes avec qui l’on s’entretient. Ceci afin de recouvrer l’identité que l’on aurait choisie d’investir à travers le terme. Pourtant, en dehors du côté laborieux, il n’est pas toujours possible de s’expliquer à toutes les personnes à qui l’on s’adresse. Alors, pourquoi les reprises actuelles en France du terme Noir, doivent-il être analysées scrupuleusement ?
L’instruction de l’historienne Jeanne-Marie Kambou dans « Mémoire entre deux rives », un film de Frédéric Savoye et Wollimité Sié Palenfo, sur le maintient des coutumes Lobis est intéressant à ce titre. Il montre que de nos jours, un « Africain » ne se perçoit pas seulement comme un « Africain », mais qu’il peut aussi se percevoir de manière ethnique.
dimanche 10 août 2008
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